Télétravail et titres-restaurant : la Cour de cassation met fin au débat sur l’égalité de traitement
Après l’avis sur le télétravail, et la reconnaissance comme atteinte à la vie privée qui pourrait amener à une indemnité à destination du salarié, cette fois-ci le sujet concerne les titres-restaurant : en effet, la Cour de cassation a rendu, le 8 octobre 2025, une décision historique qui met un terme définitif à des années d’incertitudes sur le droit aux titres-restaurant pour les salariés en télétravail. En confirmant que ces derniers doivent bénéficier du même avantage que leurs collègues sur site, la Haute juridiction établit un principe clair : seul le repas compris dans l’horaire journalier de travail compte, et non le lieu où celui-ci est effectué. Cette décision impose désormais aux entreprises une mise en conformité immédiate de leurs politiques internes et chartes de télétravail.
Les salariés en télétravail ont droit aux titres-restaurant
Par un arrêt de principe publié au Bulletin, la Cour de cassation a confirmé que le télétravailleur bénéficie des mêmes droits que le salarié sur site, conformément à l’article L1222-9, III du Code du travail. Le droit au titre-restaurant naît dès lors qu’un repas est inclus dans l’horaire journalier. Le lieu d’exécution du travail, qu’il s’agisse du domicile, du bureau ou d’espace de coworking, ne peut plus être invoqué pour justifier une différence de traitement. Cette interprétation met fin à un débat qui opposait depuis plusieurs années les juridictions prud’homales et les entreprises.
Un litige emblématique à l’origine de la décision
L’affaire opposait un salarié de la société Yamaha Music Europe à son employeur. En télétravail entre mars 2020 et mars 2022, il n’avait reçu aucun titre-restaurant, l’entreprise réservant l’avantage aux salariés présents physiquement dans ses locaux. Après avoir saisi le conseil de prud’hommes de Meaux, celui-ci obtient gain de cause et un rappel de 1 700,88 €. La société forme un pourvoi, arguant que les conditions de restauration des télétravailleurs différaient. La Cour de cassation rejette le pourvoi et confirme la condamnation, consacrant le principe de stricte égalité de traitement.
Le cadre juridique du télétravail et des titres-restaurant
Le fondement légal de cette décision repose sur la combinaison des articles L1222-9 et R3262-7 du Code du travail. Le premier garantit au télétravailleur les mêmes droits que le salarié sur site, tandis que le second précise que l’attribution du titre-restaurant dépend uniquement de la présence d’un repas dans l’horaire journalier. Ainsi, l’employeur ne peut refuser l’avantage à un salarié travaillant à distance. Le critère géographique devient indifférent ; seule la réalité du repas intégré dans la journée de travail prévaut.
Une clarification attendue après des années de divergences
Depuis 2020, plusieurs conseils de prud’hommes avaient rendu des décisions contradictoires. Certains considéraient que les télétravailleurs n’avaient pas besoin de titres-restaurant, pouvant se restaurer chez eux. D’autres, au contraire, estimaient que le droit à l’avantage ne dépendait pas du lieu du repas. L’arrêt du 8 octobre 2025 unifie la jurisprudence et réaffirme que l’égalité de traitement découle du droit commun du travail. Dès lors qu’un salarié, à distance ou sur site, travaille dans un cadre horaire intégrant un repas, il doit bénéficier d’un titre-restaurant.
Des conséquences concrètes pour les employeurs
Cette décision implique pour les entreprises une mise en conformité immédiate de leurs pratiques. Les chartes de télétravail, accords collectifs et politiques internes doivent être révisés afin de supprimer toute clause restreignant l’attribution de titres-restaurant aux salariés présents physiquement. Les systèmes de paie doivent être adaptés : l’attribution ne repose plus sur le lieu de travail, mais sur l’horaire journalier comportant une pause repas. En outre, l’arrêt publié au Bulletin a une portée générale, ce qui ouvre la voie à des rappels de titres-restaurant sur trois ans pour les salariés lésés.
Les règles fiscales et sociales inchangées
Si l’égalité de traitement est désormais imposée, les conditions fiscales et sociales applicables aux titres-restaurant demeurent inchangées. La contribution patronale reste exonérée dans les limites fixées par la réglementation, sous réserve que la participation du salarié représente entre 50 % et 60 % de la valeur faciale du titre. Les employeurs doivent veiller à maintenir cette conformité tout en étendant l’avantage aux télétravailleurs.
Le critère unique : le repas compris dans l’horaire journalier
L’article R3262-7 du Code du travail définit le principe fondamental : un titre-restaurant par repas compris dans l’horaire journalier. Ce critère, objectif et mesurable, s’applique à tous les salariés, quel que soit leur lieu de travail. Ainsi, un salarié à temps partiel travaillant sur la pause déjeuner y a droit, tandis qu’un autre effectuant uniquement une demi-journée n’y est pas éligible. Ce critère permet d’éviter toute distinction arbitraire et de renforcer la sécurité juridique des employeurs.
Un impact direct sur le dialogue social
La modification des conditions d’attribution des titres-restaurant impose d’informer et de consulter le CSE (comité social et économique). Ce dialogue permettra d’actualiser la charte télétravail, les accords collectifs et les règlements intérieurs. Par ailleurs, les branches professionnelles pourront prévoir des dispositions plus favorables, à condition de respecter le cadre social et fiscal en vigueur.
Les nouveaux enjeux pour les directions RH et juridiques
Les services RH devront adapter leurs outils de suivi du temps afin de prouver que les salariés, y compris en télétravail, ont bien un repas compris dans leur horaire journalier. De plus, il sera nécessaire d’éviter tout double avantage entre titres-restaurant et remboursements de frais professionnels. Enfin, les valeurs faciales des titres doivent rester uniformes entre salariés, sauf justification objective fondée sur des critères économiques précis.
Une décision d’équilibre et de modernité
En alignant le droit du travail sur les nouvelles formes d’organisation, la Cour de cassation affirme que le télétravail n’altère ni le lien de subordination, ni les droits accessoires du salarié. Ce raisonnement, fidèle au principe d’égalité de traitement, marque un tournant dans la gestion sociale du travail à distance. Il consacre une lecture moderne du Code du travail, adaptée aux évolutions du monde professionnel.
Avec cet arrêt, la Haute juridiction envoie un message clair : le télétravail ne crée pas de salariés à deux vitesses. Dès lors qu’un repas est inclus dans la journée de travail, le droit au titre-restaurant s’impose, quel que soit le lieu d’exécution de la prestation. Une décision qui renforce la cohérence du droit et la cohésion sociale au sein des entreprises.