Titres-restaurant : la grogne des restaurateurs face aux commissions
Alors que le gouvernement vient de prolonger le plafond journalier des titres-restaurant à 38€ jusqu’à fin février 2022, les résultats de la dernière étude Worklife montrent que l’accueil de cette mesure est plutôt mitigé chez les restaurateurs. En effet, près de la moitié d’entre eux (49.5%) n’y sont pas favorables et jugent que la mesure profite en réalité aux émetteurs. En cause : les commissions qu’ils considèrent trop élevées.
Dans un contexte où la mise en place de cette mesure avait été demandée et attendue par la profession, le manque d’enthousiasme à son égard peut interpeller. En réalité, ce n’est pas la mesure du gouvernement qui est remise en cause, mais bien le système actuel de commissionnement pratiqué par les principaux émetteurs de titres-restaurant, comme l’indique ce restaurateur dijonnais : “Le rehaussement du plafond est une bonne chose, c’est le taux de commission qui est aberrant.”
Les restaurateurs “pris au piège”. Perdre des clients ou diminuer la marge ?
Alors que plus de 4,5 millions de Français utilisent des titres-restaurants chaque jour, la plupart d’entre eux ignorent le fait que cet avantage n’est pas sans conséquence négative pour les restaurateurs. En effet, les commissions prélevées à chaque transaction par les principaux émetteurs, jusqu’à 10 fois supérieures à celles d’une carte bancaire, sont jugées “abusives”. Malgré cela, 87.9% des restaurateurs affiliés à la Commission Nationale des Titres-Restaurant (CNTR) acceptent l’ensemble des titres-restaurant présents sur le marché pour satisfaire leur clientèle : “Je n’ai pas le choix. Si nous ne les acceptons pas, une partie de la clientèle ira ailleurs. Néanmoins, je trouve que les commissions sont exorbitantes,” explique une gérante de restaurant à Lille. Les commissions sur les titres n’en sont pas sans impacter la rentabilité des restaurants : “Les titres nous font perdre beaucoup d’argent, ce n’est pas rentable sur une bonne partie de nos ventes. Le système actuel nuit à la rentabilité et à la santé des petits commerces indépendants,” témoigne un restaurateur du 8e arrondissement parisien. Pour un marché du titre-restaurant représentant plus de 7 md€, les pertes des restaurateurs dues aux commissions sont conséquentes.
“Désolé, on ne les prend plus”
Face aux taux élevés des commissions, de plus en plus de restaurateurs refusent d’accepter les titres-restaurant. C’est la principale raison pour laquelle certains établissements, pourtant affiliés à la CNTR, n’acceptent pas ce moyen de paiement (¾ des répondants qui n’acceptent pas les titres restaurants citent cette raison). Les autres raisons invoquées sont les longs délais et les modalités de remboursement (16.4%) et une gestion compliquée et chronophage (11.7%).
Parmi les restaurateurs qui n’acceptent plus les titres-restaurant aujourd’hui, 78.7% en ont déjà accepté dans le passé, dont près de 90% ont arrêté à cause du montant des commissions. Et ce chiffre risque encore d’augmenter : “Les taux de commission des « historiques » sont exorbitants, je suis prêt à arrêter la collecte de ce moyen de paiement,” indique un gérant de restaurant à Bordeaux. En plus des montants des commissions, les restaurateurs reprochent aux émetteurs de ne pas être transparents sur la manière dont ils les calculent : 64.5% des répondants trouvent que les émetteurs sont opaques au sujet des commissions qu’ils pratiquent, ce chiffre augmentant jusqu’à 85.4% parmi les restaurateurs ayant arrêté d’accepter les titres-restaurant.
L’étude Worklife révèle ainsi que le taux de commission est le principal critère lors du choix d’un émetteur de titres-restaurants (62.4%). Les restaurateurs souhaiteraient pouvoir n’accepter que des titres-restaurant sans commission, au détriment de tous les autres, pour 76.6% d’entre eux. Par ailleurs, un encadrement des commissions des titres-restaurants par l’État est demandé par de nombreux restaurateurs.