Inclusion de la maladie au travail

« L’inclusion de la maladie au travail est porteuse de valeur ». Interview avec Claire Désarnaud.

Claire Désarnaud, associée de Wecare@work, a été l’invitée du Club RH. Elle nous parle d’inclusion de la maladie au travail et nous partage des pratiques concrètes à mettre en place au sein des entreprises pour favoriser le maintien en emploi des personnes malades.

Pourriez-vous nous présenter Wecare@work ? 

Notre raison d’être chez Wecare@work est d’accompagner les entreprises et leurs salariés à ré-concilier maladie et travail. 

En effet, nous avons tous dans l’équipe été confrontés à la maladie en tant que patient ou aidant. Nous avons personnellement éprouvé les difficultés à concilier maladie et travail. Nous avons donc voulu mettre nos compétences professionnelles, augmentées de nos expériences de vie de la maladie, au service de l’inclusion de ce sujet dans le monde du travail.

Nous développons des outils et des services pour sensibiliser, former et accompagner les différentes situations : en présentiel, à distance et 100 % en ligne.

Le sujet de la maladie est l’un des grands tabous dans l’entreprise. Pourquoi est-il important de pouvoir parler de sa maladie et comment libérer la parole ?

Si la maladie est encore un sujet tabou (pour 1 salarié sur 2), c’est le plus souvent par méconnaissance du sujet et par les nombreux préjugés qui l’entourent. On part du principe que le salarié part en arrêt maladie et que, lorsqu’il revient, il est guéri et peut : soit travailler comme avant ; ou pire, que comme il a été malade, il ne peut plus travailler comme avant parce qu’il est peut-être moins compétent.

Pourtant, nous en sommes convaincus chez Wecare@work et nous en faisons la preuve : tout comme la maladie peut rendre une personne plus forte, elle peut rendre une entreprise plus performante.

Le temps de la “longue et douloureuse maladie” cachée est révolu ; tout en préservant le souhait d’intimité de chacun, chacun peut aujourd’hui contribuer à concilier maladie et vie, et notamment vie professionnelle.

Ce n’est pas un hasard si, de septembre à décembre, de nombreux événements sont organisés pour sensibiliser autour de maladies telles que les cancers pédiatriques (Septembre en or), le cancer des ovaires (Septembre turquoise), le cancer du sein (Octobre rose), les cancers masculins (Movember), le handicap (SEEPH en novembre)… Sans oublier la journée nationale des aidants le 6 octobre.

En effet, derrière chaque cas particulier, il y a une réalité qui nous concerne tous. D’un point de vue humain d’abord, car la maladie peut toucher n’importe qui. Les personnes atteintes par une pathologie doivent non seulement se sentir entourées (bien-être, revenus, protection sociale, bienveillance…), mais aussi retrouver le sentiment d’une véritable utilité sociale.

La maladie fait partie de la vie ! Il est donc urgent d’apprendre à travailler avec des malades (plutôt que comme des malades !)

Comment sensibiliser les managers et l’ensemble des collaborateurs à l’inclusion des maladies chroniques au travail ? 

En entreprise comme ailleurs, il s’agit de prévenir. 

Nous avons développé une méthodologie pour cela dont le principe est vraiment de sensibiliser les salariés pour que chacun puisse s’interroger en amont sur ses représentations, ses stéréotypes, leur permettre de les apprivoiser, voire de les déconstruire. 

Quelle que soit notre fonction dans l’entreprise, les maladies représentent un enjeu de plus en plus important, qu’il est essentiel de comprendre et d’appréhender pour mieux accompagner les salariés. 

Reconnaître de manière formelle la maladie comme un sujet d’entreprise, ouvrir le dialogue avec les salariés, les sensibiliser,  investiguer leurs besoins aussi, rassembler leurs propositions de solutions, former les différentes parties prenantes, et enfin accompagner, sont des clés simples qui permettent de mieux concilier santé et vie professionnelle. 

Depuis quelques années, des entreprises s’engagent pour mieux concilier maladie et travail et inscrivent leurs ambitions dans leurs raisons d’être, leurs missions ou leur stratégie RH et RSE. Les bénéfices sont nombreux : humainement et économiquement !

Du côté de l’entreprise, comment aborde-t-on le sujet, comment s’adresse-t-on à une personne dont la vie vient d’être bouleversée par l’arrivée d’une maladie grave ?

C’est le plus souvent au manager ou aux collègues qu’une personne confie qu’elle est atteinte d’une maladie grave ou chronique. C’est une preuve de confiance car il n’existe aucune contrainte légale qui oblige un collaborateur à “dire” sa maladie au travail. Il est donc essentiel pour le manager de saisir cette chance pour engager le dialogue et pour accompagner au mieux le collaborateur concerné mais aussi l’équipe. Personne n’est mieux placé qu’eux pour savoir ce dont ils ont besoin ou envie. 

C’est la raison pour laquelle il est essentiel de les impliquer dans la réflexion ; ils sont par ailleurs souvent pourvoyeurs de solutions simples et efficaces pour réorganiser le travail pendant l’absence. Néanmoins, l’annonce de la maladie renvoie chacun de nous  à son histoire personnelle, à nos peurs et souvent à notre propre finitude. Les émotions affluent. Il est normal de ne pas savoir comment réagir. Suite à cette annonce, il est primordial de rester soi-même tout en respectant l’intimité que demande le collègue concerné. C’est lui qui fixe les règles. A éviter : les jugements hâtifs, le manque de communication, les angoisses face à la maladie, les comparaisons. 

Maintenir le lien est essentiel, pour votre collègue malade mais aussi pour vous-même et les autres membres de l’équipe. Le maintien du lien constitue un élément clé de la reprise du travail et une reprise facilitée est précieuse pour l’ensemble de l’équipe.

Quelles actions concrètes les entreprises peuvent-elles mettre en place pour favoriser le maintien en emploi des personnes malades ? 

L’annonce d’une maladie grave ou chronique au sein d’une équipe a des conséquences humaines, organisationnelles et économiques. L’absence de visibilité sur la durée des traitements, les arrêts de travail, une date éventuelle de retour dans l’entreprise rend l’exercice complexe. Une réaction, souvent observée malheureusement, est la politique de l’autruche ou l’attentisme : on laisse filer, on dispatche les tâches de la personne malade ou aidante sur les autres membres de l’équipe,  on évite d’en parler, car le sujet est lourd et fait peur. Grave erreur ! Le plus tôt possible, dès l’annonce de la maladie, il s’agit d’aborder en équipe les questions posées par son occurrence, les besoins de chacun et de réfléchir ensemble aux solutions efficaces à mettre en place pour pallier l’absence.  

En amont, notre méthodologie favorise aussi l’inclusion du sujet. Cette méthodologie s’articule autour de 4 étapes :

  • MOBILISER pour libérer la parole et lever les tabous
  • MESURER LES ATTENTES : qui de mieux placés que les salariés pour dire ce dont ils ont besoin. Cela permet aussi de faire un état des lieux des situations.
  • METTRE EN PLACE UN PLAN D’ACTIONS
  • MANAGER DURABLEMENT

En France, le régime de protection sociale le plus répandu est le régime général de la sécurité sociale. Les principaux dispositifs à avoir en tête sont les suivants : l’arrêt de travail qui va permettre la mise en place de revenus de substitution, l’ALD (affection longue durée) qui offre une prise en charge plus importante de la personne malade, la visite de pré-reprise qui prépare son retour au travail avec les services de santé au travail qui formulent également des recommandations lors de cette visite. L’essai encadré est un dispositif qui permet de mesurer en situation réelle le retour au travail. Le temps partiel thérapeutique et la Reconnaissance de Qualité de Travailleur Handicapé (RQTH), sont eux des dispositifs qui adapteront les conditions de travail aux conséquences de la maladie, dans la durée. 

Pour beaucoup de personnes, la maladie signifie une rupture avec le monde du travail. Comment garder le lien social pendant l’arrêt maladie ?

C’est un vrai enjeu effectivement. On nous interroge souvent sur ce qu’il est possible de faire. Légalement il n’y a pas d’interdiction de garder le lien même si juridiquement le salarié sort des effectifs de l’entreprise.

Garder le lien est une clé de la réussite du retour au travail. 

Il faut faire confiance à son bon sens et le faire avec bienveillance : en privilégiant l’écrit par exemple, les messages de soutien comme “on est là” (plutôt que les messages pro). Toujours en interrogeant la personne sur la manière dont elle veut que les choses se passent. Lui poser simplement la question : “Peut-on prendre des nouvelles ? Par sms ?”…

Si vous n’obtenez pas de réponse, ne le prenez pas mal. Soyez patient et renouvelez votre démarche quelques semaines / mois plus tard.

Conserver des relations avec un responsable ou des collègues est une solution pour se sentir moins perdu à son retour. C’est important pour la personne absente mais aussi pour l’équipe !

Il y a aussi le sujet du retour au bureau. Comment préparer le retour au bureau après une longue absence liée à la maladie ? 

L’important est d’anticiper et préparer ce retour.

En amont : évoquer les adaptations éventuelles (suite aux recommandations de la médecine du travail lors de la visite de pré-reprise par exemple).

Le jour J : prendre le temps d’accueillir, de célébrer ce retour.

Mettez en place un suivi durable : les conséquences de la maladie s’appréhendent dans la durée : la fatigue, les pertes de mémoire, les difficultés de concentration… ne s’arrêtent pas dans les quelques jours ou semaines qui suivent la reprise du travail. Un retour au travail durablement réussi s’apprécie sur plusieurs mois, parfois plusieurs années et nécessite un suivi régulier.

Travaillez en équipe : agir en lien étroit avec son manager et ses collègues, mais aussi s’appuyer sur la pluridisciplinarité des personnes ressources à disposition pour vous aider à concilier maladie et travail. La clé est de créer un dialogue fluide et un relai entre les différents interlocuteurs qui seront un appui dans votre parcours. 

En quoi le fait d’accompagner les personnes malades d’une entreprise profite aussi aux non malades et à la performance globale de l’entreprise ? 

Une personne malade qui reste en emploi conserve un revenu mais aussi une utilité sociale, décrite par les médecins comme facteur de guérison. Les entreprises conservent des talents, diminuent le coût de l’absentéisme sans parler du développement de l’engagement de leurs salariés et de leur attractivité. Les salariés bien portants qui travaillent dans une entreprise qui sait concilier maladie et travail vont mieux ! Ils savent que si demain ils sont confrontés à une difficulté personnelle, leur employeur ne les jettera pas dehors et fera tout pour les accompagner. Dans tous les pays, emploi et système de santé sont économiquement  liés. Les recettes de l’un nourrissent les progrès de l’autre et réciproquement. 

Chez Wecare@work, vous considérez que mieux concilier maladie et travail est porteur de valeur. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ? 

Favoriser l’inclusion des malades, c’est aussi permettre à nos enfants d’avoir accès à une carte vitale. Les enjeux économiques et sociétaux sont énormes : le coût de l’absentéisme s’élève aujourd’hui à 108 milliards d’euros par an en France, soit environ 4 000 euros par salarié. Il menace aujourd’hui directement l’équilibre de notre système de santé. La sécurité sociale ne s’y est d’ailleurs pas trompée ; elle a fait du maintien dans l’emploi des personnes malades une de ses priorités et a même signé un accord de partenariat avec Pôle emploi. Plus largement, nous avons tous un rôle à jouer pour contribuer au cercle vertueux du financement de la santé par l’emploi instauré après guerre dans notre pays.

En apportant aux salariés malades la bonne information au bon moment, les entreprises disposent d’un puissant levier qui contribue à l’amélioration de la qualité de vie au travail, ce qui a un impact concret à plusieurs niveaux et notamment sur la baisse de l’absentéisme mais aussi sur la motivation des équipes qui comprennent que leur entreprise est à leurs côtés même dans les moments très difficiles.


Propos recueillis par Véra Dimitrova

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