Semaine de 4 jours : l’avenir de l’organisation du travail ou fausse bonne idée ?
Breaking News. La semaine de 4 jours est testée à grande échelle au Royaume-Uni. Où en sommes-nous en France ?
Le monde du travail a considérablement évolué : mise en place des 35 heures, pandémie, pratique du télétravail… Les rythmes de vie actuels ont changé les mentalités et ont remis au centre des débats la question de l’équilibre vie personnelle / vie professionnelle. Une des grandes tendances du future of Work en 2022 est la semaine de 4 jours. Au cœur des réflexions : Peut-on travailler mieux en moins de temps tout en gagnant autant ? Un grand nombre de talents voient la semaine de 4 jours comme le rythme de travail hebdomadaire idéal. Certaines entreprises ont d’ores et déjà adopté la semaine de 4 jours et en sont satisfaites mais ce modèle reste à ce jour peu développé dans l’Hexagone.
Semaine de 4 jours : qu’est ce que c’est ?
Pour beaucoup de salariés, la flexibilité du travail “hybride” mêlant télétravail et présentiel au bureau ne suffit pas à leur bien-être en raison de la charge de travail qui reste trop importante et de l’impossibilité de se déconnecter. La semaine de 4 jours est un mode d’organisation qui consiste à travailler 4 jours au lieu de 5 en conservant le même salaire et ainsi de pouvoir bénéficier de 3 jours de repos par semaine au lieu de 2. Beaucoup de salariés plébiscitent ce mode de fonctionnement jugeant qu’il est possible de travailler autrement pour mieux vivre et améliorer la qualité de vie au travail. 1 jour de repos supplémentaire dans la semaine permettrait au collaborateur de trouver un équilibre parfait entre sa vie professionnelle et personnelle. En effet, l’objectif est de permettre de respecter le droit à la déconnexion, enjeu majeur pour la santé au travail, tout en augmentant l’efficacité et la productivité des salariés.
Islande, Japon … ces pays déjà adeptes de la semaine de 4 jours
Certains pays ont déjà testé la semaine de 4 jours et son impact sur l’efficacité productive. C’est le cas de l’Islande qui a fait une étude sur 2000 fonctionnaires, du Japon avec l’entreprise Microsoft, ou encore du Canada avec l’agence de recrutement The Leadership Agency. Ces derniers ont vu leur productivité, leur chiffres d’affaires ainsi que la satisfaction de leurs collaborateurs augmenter considérablement. En effet, la semaine de 4 jours est un franc succès. Au Japon par exemple, cette expérience s’est traduite par une augmentation de la satisfaction des collaborateurs : 92% d’entre eux préfèrent la semaine de 4 jours et la productivité connaît un bond de 40% grâce à cette dynamique de travail.
Le gouvernement de Pedro Sanchez en Espagne a décidé de lancer une expérience à grande échelle en 2022 pendant trois ans, au sein de 200 entreprises volontaires pour tester la semaine de quatre jours sans réduction de salaire. La semaine de quatre jours est testée à grande échelle au Royaume-Uni. En effet, 3000 employés d’une soixantaine d’entreprises participeront à partir de juin pendant six mois à ce test du travail en semaine de 4 jours.
Et en France ? Des entreprises comme LDLC, IT Partners, Yprema ou encore Welcome to the Jungle ont adopté la semaine de 4 jours après une phase de test, et en sont très satisfaites. Un bilan positif pour WTTJ avec 90 % de salariés favorables : davantage de bien-être et d’engouement pour le travail.
La semaine de 4 jours, l’avenir du bien être au travail?
Ce système séduit de plus en plus les salariés, notamment de la nouvelle génération, souhaitant se libérer du temps pour soi à travers une pratique sportive, pour la famille ou pour des projets personnels. De plus, la semaine de 4 jours permettra aux collaborateurs de bénéficier de plus de repos afin d’être plus efficaces et créatifs durant les 4 jours de travail. Grâce à un jour de repos supplémentaire, le salarié évolue dans un environnement de travail favorable ce qui réduirait à la fois le stress, et le niveau de fatigue. Ainsi, à la clé de cette mise en place : des gains de productivité, une meilleure concentration, un temps de travail mieux réparti et un équilibre vie pro/vie perso amélioré.
La semaine de 4 jours s’accompagne d’une meilleure organisation des tâches afin de ne pas surcharger la semaine. En effet, les collaborateurs devront s’organiser d’une nouvelle manière et prioriser les tâches en supprimant les missions annexes au détriment de celles qui comptent afin d’optimiser au mieux la gestion du temps de travail.
A l’inverse, certains talents devront fournir la même quantité de travail dans un délai plus court mais avec une meilleure concentration. La réduction du nombre de réunions, la mise en place de la culture de l’écrit ainsi que l’automatisation des petites tâches chronophages figurent parmi les changements qui s’opèrent dans la nouvelle organisation lors de la transition à une semaine de 4 jours. En effet, moins de réunions mais plus de documentations permettraient à chaque collaborateur d’avoir accès à l’ensemble des informations à tout moment.
Semaine de 4 jours, un atout de marque employeur
Offrir à ses employés plus de temps personnel permet d’accroître la qualité de vie au travail, un réel vecteur de la marque employeur. La semaine de 4 jours apparaît pour beaucoup d’entreprises comme un bénéfice. En effet, au-delà du salaire, ce mode de travail représenterait une barrière contre le burn-out et la Grande démission. De plus, avec ces conditions de travail optimales, le salarié ressent plus de plaisir à occuper son poste ce qui induirait pour l’entreprise une réduction du taux d’absentéisme mais aussi une augmentation du taux de rétention des collaborateurs. En effet, elle améliore la satisfaction des équipes mais permet également d’attirer et de fidéliser les talents. Proposer ce genre de rythme est un message fort pour les futurs candidats et une entreprise proposant la semaine de 4 jours paraîtra beaucoup plus attractive notamment dans ce contexte de guerre des talents.
Parallèlement, la semaine de 4 jours serait un moyen de baisser le taux de chômage. Dans certains secteurs d’activité comme le secteur médical, le secteur de la grande distribution, ou encore le secteur des transports, la semaine de 4 jours impliquerait de nouveaux recrutements afin de remplir les plannings et assurer le fonctionnement constant de l’entreprise. Le chef étoilé Florent Ladeyn clame la semaine de quatre jours dans la restauration et offre depuis juin 2020 un troisième jour de repos à ses collaborateurs. Il a augmenté son nombre de salariés ainsi que son chiffre d’affaires.
Enfin, moins de jours en entreprise rime avec moins de déplacements en véhicules polluants et également moins de consommation d’électricité. Une journée de travail en moins dans une semaine représente autant de rejets de CO2 évités et d’économie pour l’entreprise. Une étude publiée en 2012 s’appuyait sur les données de 29 pays de l’OCDE entre 1970 et 2007 et révélait qu’une réduction de seulement 10% des heures de travail et donc une diminution des trajets entre le domicile et le travail ferait chuter l’empreinte écologique de 12,1%, l’empreinte carbone de 14,6% et les émissions de CO2 de 4,2%. C’est ainsi que la semaine de 4 jours figurait dans le programme d’Europe Écologie Les Verts en 2017.
Pas que des bénéfices pour ce nouveau rythme de travail
Bien que la semaine de 4 jours offre de nombreux avantages autant pour l’entreprise que pour les employés, elle présente aussi quelques inconvénients.
Ces derniers peuvent apparaître notamment si le changement de mode de travail n’a pas été suffisamment bien organisé en amont. L’instauration de la semaine de 4 jours nécessitera l’allongement des journées de travail soit 8,75 heures de travail par jour, ce qui peut être inadapté pour certains collaborateurs. Ces derniers peuvent ressentir une surcharge de travail et des difficultés dans la réalisation de leurs tâches s’ils ne parviennent pas à s’organiser, à prioriser et à anticiper. De plus, la réorganisation peut paraître compliquée notamment parce que la planification doit être repensée pour passer à une semaine de 4 jours (gestion des jours de repos, répartition des heures de travail…).
L’employeur doit assurer la santé et la sécurité des salariés en restant attentif à ce que le changement de rythme ne provoque pas de stress supplémentaire chez les collaborateurs. En effet, puisque les journées sont plus intenses et plus courtes, si la quantité de travail ne diminue pas, cela peut générer davantage de pression pour les salariés et il existe un réel risque de débordement sur le 5ème jour. La semaine de 4 jours n’est pas un modèle qui fonctionne partout. Dans le secteur de l’immobilier ou le secteur commercial, des partenaires en externe peuvent continuer à solliciter les collaborateurs ce qui obligerait ces derniers à travailler plus.
Le dernier inconvénient peut être une éventuelle baisse de salaire comme cela a été le cas au sein de l’entreprise Desigual en Espagne, bien que ce soit une mesure contraire à l’idée première de ce modèle.
Instaurer la semaine de quatre jours : les conseils d’une professionnelle des ressources humaines
La semaine de 4 jours en France, tant attendue par de nombreux salariés, apparaît comme un modèle très bénéfique tant pour les employeurs que pour les collaborateurs. Ainsi, il s’agit d’un réel challenge pour les RH qui doivent anticiper les questions des collaborateurs et les accompagner.
La prise de température pour une prise de conscience
Sans surprise, une organisation nouvelle et une bonne communication sont l’une des clés du succès de la mise en place de la semaine de 4 jours, explique Elise Cointet, Head of People chez Worklife. Selon elle, il ne faut pas mettre en place une telle organisation uniquement pour suivre une tendance mais il est nécessaire de s’assurer en amont que cette pratique répond à un réel besoin des collaborateurs et aux convictions de l’entreprise. La préparation est l’étape la plus cruciale dans l’instauration de la semaine de 4 jours.
La première phase consisterait selon Elise Cointet, à prendre la température et à se poser les bonnes questions : Est-ce que les collaborateurs ont envie d’une semaine de 4 jours ? Quelles sont leurs priorités ? Qu’en pensent les managers ? Cette étape serait nécessaire pour clarifier la vision de la semaine de 4 jours et définir des objectifs.
Les étapes clés de l’instauration de la semaine de 4 jours
Selon Elise Cointet, la mise en place de cette organisation requiert de la méthode. Il faut réaliser une analyse de l’organisation actuelle afin de comprendre les attentes de chaque collaborateur. Puis, il faut poursuivre avec une étude d’impact qui permettrait d’analyser les conséquences positives et négatives de ce changement et impliquer très rapidement les managers qui sont au plus près des réalités de nos organisations de travail. « Ce n’est pas du on/off, il y a un réel travail préparatoire en amont. » A défaut, le risque est d’avoir l’effet inverse souhaité : une charge de travail accentuée et la création de frustration qui peut entraîner une baisse de la motivation des collaborateurs, avertit Elise Cointet.
Elle précise ensuite qu’une phase d’expérimentation doit être mise en place “afin de déceler rapidement les points d’amélioration.” Cette phase de test permet de rassurer les collaborateurs et de les accompagner dans la gestion de leur temps de travail et la priorisation des tâches.
Évaluer les effets par des indicateurs, vecteurs de performance
Parmi les initiatives possibles, Elise Cointet cite la sollicitation des feedbacks post-mise en place de la semaine de 4 jours et l’implication des managers notamment par la création de groupes de travail. Pour elle, les indicateurs de performances, de bien-être au travail, ainsi que de satisfaction sont essentiels pour s’assurer que la culture de l’entreprise ainsi que la politique salariale correspondent réellement aux attentes des collaborateurs “car c’est notre souhait in fine. Mesurer la performance grâce à ces indicateurs permet de montrer l’impact d’une bonne politique HR sur le business.” ajoute t-elle.
Elise Cointet explique également que “le travail asynchrone permet de gagner en efficacité : moins de réunions rimera avec moins de charge mentale, moins de stress et donc plus de vélocité.”
Quelle solution pour rendre les collaborateurs plus engagés?
Elle ajoute alors que les avantages salariés peuvent jouer un rôle majeur dans ce genre de transformation : “Un salarié qui travaille 4 jours par semaine aura des journées plus intenses. Pour favoriser son bien-être au travail et réduire sa charge mentale, un des avantages à offrir serait par exemple l’accès aux services à la personne : garde d’enfants, aide ménagère…”. Payer les services à la personne avec des CESU dématérialisés comporte de nombreux avantages, tant pour les entreprises que pour les utilisateurs. Offrir une solution parentalité aux collaborateurs permettrait de les soutenir mais également d’assurer une bonne productivité. Elle conclut en expliquant que “la communication et la transparence seront vecteurs de performance et auront un effet positif sur la motivation et la cohésion des équipes.” L’équipe RH et les managers devront reprendre la température régulièrement afin de semer les inquiétudes et adapter l’organisation selon les résultats de cette transition.